Archives mensuelles : octobre 2016

Louiselle S.P :« Il est important de prendre soin de notre condition afin de pouvoir profiter de la vie et garder une autonomie le plus longtemps possible. »

phare_louiselleComment ne pas parler de Louiselle? Elle n’a pas fondé l’Asso mais c’est elle qui l’a portée durant 18 années et qui l’a amenée là où elle est aujourd’hui. C’est elle qui a lutté pour faire valoir le nanisme comme un handicap sérieux et pour ainsi obtenir les services et compensations auxquels nous avons droit aujourd’hui. Mais dans ma vie personnelle, Louiselle est un symbole, le symbole d’un temps nouveau. Elle est et restera toujours associée à mon arrivée à Montréal dans la jeune vingtaine, un diplôme en graphisme en poche et la découverte de l’Asso. J’avais vécu toutes ces années sans cette nouvelle « famille » mais ma rencontre a été fulgurante : non seulement j’y ai adhéré, mais je me suis lancée dès le début en plein coeur de l’Asso en travaillant sur un contrat. Louiselle, la première, m’a donné une chance de travailler, m’a fait confiance en me chargeant de monter le premier site Internet de l’AQPPT. Le premier site qui parlait d’un sujet que je connaissais à peine : le nanisme.

Louiselle m’a tout appris, à moi qui ne savais que la définition de l’achondroplasie du Petit Larousse 1988. J’ai tout appris sur les maladies osseuses, les complications médicales, les problèmes et surtout, sur le besoin de prendre soin de son corps en adaptant le plus possible son environnement, en s’écoutant et en allant chercher les aides et les programmes dont nous avons besoin afin d’améliorer notre qualité de vie. Quand on est jeune, on ne veut rien entendre des conseils qui disent : « Fais attention ». On se croit invincible, on veut tant être comme tout le monde et prouver qu’on n’a besoin de rien. Aujourd’hui, je comprends tellement ses paroles. Parce qu’elle avait raison. À 42 ans, après trois hernies discales lombaires et une cervicale, bien de la douleur, de la physio, des visites chez l’acupuncteur ou l’ostéopathe, j’ai compris que je ne suis pas seulement plus petite : je vis avec une maladie osseuse qui comporte ses problématiques, ses limitations et je dois composer avec, au fil du temps.

Comme une mère, Louiselle nous a répété sans cesse, à moi et à bien d’autres, l’importance de prendre soin de notre condition afin de pouvoir profiter de la vie et garder une autonomie le plus longtemps possible. Il faut savoir que Louiselle a vécu des limitations sérieuses pendant une grande partie de sa vie et marcher lui a été très difficile jusqu’à la trentaine causée par sa condition osseuse, la dyschondrostéose. C’est grâce à des opérations subies aux États-Unis par le fameux Dr Steven E Kopits de Baltimore qu’elle a retrouvé une autonomie qui l’a marquée à vie. Toujours active dans sa communauté, elle continue sans cesse de « prêcher » le message de sa belle petite maison, de sa cuisine toute adaptée avec vue donnant sur le St-Laurent. Elle s’est donnée les moyens de bien vivre et profite ainsi d’une belle retraite aujourd’hui.

Louiselle n’a pas eu d’enfants mais, au fond, nous sommes par extension sa famille à l’Asso et elle est notre mère. Un jour, Louiselle et moi étions allées dans une boutique d’informatique pour faire réparer des appareils du bureau. Je me rappelle du vendeur qui croyait que Louiselle était ma mère. C’était plausible avec notre différence d’âge. Après avoir fait une blague pour signifier au vendeur que nous n’avions aucun lien de parenté malgré notre petite taille commune, un sentiment de fierté m’a tout à coup envahie. Et si oui, elle était ma mère, une mère comme moi, qui me comprend sans que je lui explique tout de ma condition! Par cet instant, je voulais être sa fille. Bien sûr, j’aime ma « vraie » famille même si j’y suis la seule à être de petite taille, mais savoir que d’autres sont comme moi a été la plus belle découverte de ma vie. Merci Louiselle!

Jacques P. : « Ma femme, c’est la plus belle du monde »

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Il y a de ces histoires d’amour qui vous fascinent et vous inspirent plus que d’autres. Et lorsqu’on est différent, doté d’un corps « hors normes » et confronté aux difficultés de la séduction et de la recherche de l’âme sœur, l’histoire de Jacques P. et de sa compagne Micheline P. est un baume. Jacques n’est pas de petite taille. Il est assez grand même. Il vit depuis presque 40 ans avec Micheline P., une femme de petite taille ayant l’achondroplasie. Jacques a toujours dit qu’il aimait les petites femmes comme d’autres aiment les blondes et il en a trouvé une. Leur rencontre a été bien simple, elle était serveuse dans un restaurant, il était cuisinier, ils sont tombés amoureux.

Plus jeune, j’avais entendu parler de leur histoire par mes amies et collègues de l’Asso Annie et Nathalie qui me décrivaient Jacques comme le « chum » idéal. J’avais vu des photos et des reportages sur eux, un couple dans la vie comme au travail puisqu’ils ont été camionneurs puis cochers ensemble pendant plusieurs années. Ils avaient eu une «grande » fille ensemble. Pour ma part, après quelques tentatives timides ratées et plusieurs échecs, traînant l’impression que ma différence faisait fuir les potentiels et me demandant sans cesse qui voudrait bien d’une « petite » comme moi, j’avais presque mis une croix sur l’amour. L’idée d’être séduisante pour quelqu’un m’était invraisemblable mais cette histoire m’avait donné un peu d’espoir.

C’est finalement lors de funérailles que j’ai rencontré ce couple en vrai. Jacques et « Mimi », comme il aime appeler sa douce moitié, étaient venus saluer une dernière fois l’un des co-fondateurs de l’Asso. Ils venaient tout juste de vivre eux-mêmes un très grand deuil, celui de leur fille unique, fille brillante et accomplie, partie trop tôt d’un cancer fulgurant. Et malgré ces circonstances tristes et émotives, j’ai quand même pu voir l’essence même de ce couple très uni. Assis tous les deux côte-à-côte, Jacques serrait sa femme par le bras. Je voulais connaître davantage cet homme qui avait choisi d’emblée de vivre avec une femme différente. De toute évidence, Jacques séduit facilement. Drôle, gentil, attentionné et passionné, toujours souriant, une blague n’attend pas une autre et la passion dans sa voix lorsqu’il parle de sa fille et de sa chère « Mimi », la plus belle des femmes, rien de moins. Comment ne peut-on pas être charmé? Il m’a raconté ses années de camionnage en couple, leurs aventures, et ce jour où sa femme a réussi son permis haut la main afin de pouvoir conduire des camions aux Etats-Unis, et ce, malgré sa condition. Un passionné des chevaux. Un passionné tout court!

Je les ai revus récemment à l’occasion d’une fête de l’Asso. Encore une fois, Jacques avait une blague pour faire rire, des galanteries à offrir aux dames, mais que des yeux amoureux pour sa femme. Une bonne année s’était écoulée depuis le départ de leur fille, mais ils étaient tous les deux sereins et encore plus unis.

« Mimi » a beau être « mal » tombée (c’est relatif) sur la loto de l’achondroplasie (1 naissance sur 25000), quelle chance elle a eue d’avoir trouvé son Jacques! Étonnamment, les choses ont bien tourné de mon côté aussi. Là où je prévoyais l’échec, ce fut un succès inespéré puisque j’ai moi aussi rencontré « mon Jacques » il y a plus de seize ans. L’espoir, les amis, l’espoir…