Comment ne pas parler de Louiselle? Elle n’a pas fondé l’Asso mais c’est elle qui l’a portée durant 18 années et qui l’a amenée là où elle est aujourd’hui. C’est elle qui a lutté pour faire valoir le nanisme comme un handicap sérieux et pour ainsi obtenir les services et compensations auxquels nous avons droit aujourd’hui. Mais dans ma vie personnelle, Louiselle est un symbole, le symbole d’un temps nouveau. Elle est et restera toujours associée à mon arrivée à Montréal dans la jeune vingtaine, un diplôme en graphisme en poche et la découverte de l’Asso. J’avais vécu toutes ces années sans cette nouvelle « famille » mais ma rencontre a été fulgurante : non seulement j’y ai adhéré, mais je me suis lancée dès le début en plein coeur de l’Asso en travaillant sur un contrat. Louiselle, la première, m’a donné une chance de travailler, m’a fait confiance en me chargeant de monter le premier site Internet de l’AQPPT. Le premier site qui parlait d’un sujet que je connaissais à peine : le nanisme.
Louiselle m’a tout appris, à moi qui ne savais que la définition de l’achondroplasie du Petit Larousse 1988. J’ai tout appris sur les maladies osseuses, les complications médicales, les problèmes et surtout, sur le besoin de prendre soin de son corps en adaptant le plus possible son environnement, en s’écoutant et en allant chercher les aides et les programmes dont nous avons besoin afin d’améliorer notre qualité de vie. Quand on est jeune, on ne veut rien entendre des conseils qui disent : « Fais attention ». On se croit invincible, on veut tant être comme tout le monde et prouver qu’on n’a besoin de rien. Aujourd’hui, je comprends tellement ses paroles. Parce qu’elle avait raison. À 42 ans, après trois hernies discales lombaires et une cervicale, bien de la douleur, de la physio, des visites chez l’acupuncteur ou l’ostéopathe, j’ai compris que je ne suis pas seulement plus petite : je vis avec une maladie osseuse qui comporte ses problématiques, ses limitations et je dois composer avec, au fil du temps.
Comme une mère, Louiselle nous a répété sans cesse, à moi et à bien d’autres, l’importance de prendre soin de notre condition afin de pouvoir profiter de la vie et garder une autonomie le plus longtemps possible. Il faut savoir que Louiselle a vécu des limitations sérieuses pendant une grande partie de sa vie et marcher lui a été très difficile jusqu’à la trentaine causée par sa condition osseuse, la dyschondrostéose. C’est grâce à des opérations subies aux États-Unis par le fameux Dr Steven E Kopits de Baltimore qu’elle a retrouvé une autonomie qui l’a marquée à vie. Toujours active dans sa communauté, elle continue sans cesse de « prêcher » le message de sa belle petite maison, de sa cuisine toute adaptée avec vue donnant sur le St-Laurent. Elle s’est donnée les moyens de bien vivre et profite ainsi d’une belle retraite aujourd’hui.
Louiselle n’a pas eu d’enfants mais, au fond, nous sommes par extension sa famille à l’Asso et elle est notre mère. Un jour, Louiselle et moi étions allées dans une boutique d’informatique pour faire réparer des appareils du bureau. Je me rappelle du vendeur qui croyait que Louiselle était ma mère. C’était plausible avec notre différence d’âge. Après avoir fait une blague pour signifier au vendeur que nous n’avions aucun lien de parenté malgré notre petite taille commune, un sentiment de fierté m’a tout à coup envahie. Et si oui, elle était ma mère, une mère comme moi, qui me comprend sans que je lui explique tout de ma condition! Par cet instant, je voulais être sa fille. Bien sûr, j’aime ma « vraie » famille même si j’y suis la seule à être de petite taille, mais savoir que d’autres sont comme moi a été la plus belle découverte de ma vie. Merci Louiselle!